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Elle avait dit "non", mâchoire serrée, entre ses dents. Elle avait dit "non" adossée à sa chaise avec la barre cintrée qui lui sciait les omoplates, imprimait un sillon dans ses chairs.
Surtout, Maria Salaün avait dit "non" avec la robe blanche de fiançailles de sa mère.
Parce qu'on pouvait dire "non" de toutes ses forces, sans crier.
Nous sommes à la fin de la seconde guerre mondiale. Maria Salaün vit seule avec son père, sa mère est morte en couches. Victor Salaün s'est toujours beaucoup occupé de sa fille. Il aimait particulièrement peigner sa belle chevelure rousse. Le jour où un commando de maquisards débarque dans la cour de son restaurant pour s'en prendre à Maria, Victor ne peut rien faire pour la défendre. La jeune fille n'oppose aucune résistance aux hommes qui veulent la tondre. Fière, dans la belle robe blanche qui a appartenu à sa mère, elle ne baisse pas la tête et ne verse pas une larme. Elle sait qu'elle n'a rien à se reprocher, sinon le fait d'avoir sincèrement aimé un homme. Sa vengeance, elle va la préparer, à sa façon. La chaise sur laquelle on l'avait assise (la chaise numéro 14), l'accompagnera dans ses démarches..
Quand je vois à la télévision les rétrospectives de tontes publiques, à la libération, je suis horrifiée par la passivité de la foule (quand elle n'applaudit pas). Le simple fait de regarder ces scènes me met extrêmement mal à l'aise. J'ai l'impression de me trouver, comme la foule de l'époque, en situation de voyeurisme. En commençant "La chaise numéro 14", je me doutais que Fabienne Juhel traiterait le sujet avec tact et intelligence. Je ne me trompais pas.
D'une certaine façon, ce livre se lit comme un thriller car on est impatient de voir ce que va faire Maria, quelle sera sa vengeance et jusqu'où elle ira. Bien entendu, toutes les femmes tondues n'avaient pas la force de caractère de Marie Salaun. Je suppose que la plupart sont restées cloitrées chez elles, meurtries à jamais. J'ai aimé que l'une d'entre elles, même à titre fictif, garde la tête haute et fasse passer la honte dans l'autre camp. J'ai aimé qu'elle fustige au passage religieux et notables qui n'ont rien tenté pour contrer ces pratiques barbares.
Comme toujours, j'ai été séduite par le style et la fantaisie de Fabienne Juhel. J'ajouterai qu'elle décrit fort joliment la région du Trégor, en Bretagne.