
Grasset - 16 août 2017 - 336 pages
"J'allais venger mon frère, mort en ouvrier. Venger mon père, mort en paysan. Venger ma mère, morte en esseulée. J'allais tous nous venger de la mine. Nous laver des Houillères, des crapules qui n'avaient jamais payé leurs crimes. J'allais rendre leur dignité aux sacrifiés de la fosse 3bis".
Le 27 décembre 1974 est une date à jamais ancrée dans la mémoire des habitants de Liévin, dans le Pas-De-Calais. Ce jour-là, une quarantaine ouvriers de la mine sont morts suite à un coup de grisou. On a appris plus tard que la catastrophe aurait pu être évitée, des failles dans la sécurité du site sont ressorties. Cinquante ans plus tard, Sorj Chalandon imagine "le jour d'avant" pour la famille d'un mineur de la fosse 3 bis mais aussi les jours, les semaines et les années qui ont suivi le drame.
Le narrateur, Michel, a perdu son frère aîné, ouvrier à la mine. Michel avait seize ans au moment des faits. Il était fasciné par le métier de son frère, qu'il vénérait comme un dieu. Il rêvait de l'accompagner un jour au fond la mine, de faire partie de cette fratrie d'ouvriers. Mais Michel ne deviendra pas mineur. Dès qu'il le pourra, il quittera la région et sa famille disloquée pour tenter de se reconstruire ailleurs.
Jusqu'à la mort de sa femme, l'existence de Michel sera d'apparence normale mais au fond de lui-même l'homme reste obsédé par un passé qui ne cesse de le tourmenter. Une fois sa femme disparue, n'ayant plus rien à perdre, il décide de revenir sur les lieux de son enfance pour se venger de celui qu'il estime être le responsable du ratage de sa vie. Il s'installe dans le village et concocte sa vengeance. Je vous laisse découvrir la suite par vous-même.
Je mets toujours la barre très haut quand je lis cet auteur, j'attends qu'il me surprenne, qu'il me bouscule. Durant une bonne partie du roman, j'ai cru que j'allais être déçue car je ne reconnaissais pas totalement la patte de l'auteur. Puis soudainement, au moment où je m'y attendais le moins, j'ai retrouvé le Chalandon que j'aime.
J'ai été éblouie par l'habilité de l'auteur à jouer avec son lecteur, à le déstabiliser. En faisant du narrateur un personnage plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord, Sorj Chalandon donne à son roman une dimension supplémentaire. Il offre aux mineurs de Liévin un hommage original et bouleversant que le lecteur n'est pas prêt d'oublier..
N'hésitez pas, lisez-le !
Et ce n'est pas Leiloona et Saxaoul qui diront le contraire.
Eva a été un peu déçue. Je peux comprendre son bémol. J'en ai un petit également, mais pas du même ordre. Je n'ai pas pu me défaire totalement de la petite déception de ma lecture des deux premiers tiers du roman, ce qui est sans doute idiot car c'est la construction du roman qui en est la cause, une construction que j'ai finalement trouvée très habile. C'est donc un presque coup de coeur pour moi...