
Audiolib 2018 - Traduit parNathalie Castagné - lu par Valérie Muzzi - 23 h 10
"L'art de la joie" est un pavé de 850 pages qui dort dans ma Pile à Lire depuis longtemps et dont je repoussais la lecture par manque de temps (ou de courage ?) Au final, c'est grâce à la sélection du Prix Audiolib que j'ai enfin découvert ce classique italien.
"L'art de la joie" (j'aime beaucoup le titre) raconte l'histoire de Modesta, une femme que nous suivons tout au long de sa vie bien remplie. Née dans une famille pauvre, elle est souvent livrée à elle-même dans l'enfance, sa mère étant accaparée par un frère trisomique. Modesta finit par être confiée à des sœurs et vit dans un couvent jusqu'à l'adolescence. Puis, pour une raison qu'il est difficile de raconter en quelques mots, elle intègre la famille d'une des sœurs du couvent et trace son chemin avec une détermination et un sens de la liberté inouïs pour l'époque. Modesta mène sa vie en suivant ses envies, ses croyances et ses valeurs, se moquant de ce que l'on peut penser d'elle.
L'ouvrage aborde de multiples thèmes : l'amour, la vie de couple, l'éducation des enfants, la politique...
L'amour physique occupe une place importante dans la vie de Modesta. Sans tabous, elle alterne les expériences avec des hommes et des femmes, au fil de ses rencontres. Pourtant, sa vie de femme a bien mal commencé. Avant d'entrer au couvent, elle a subi une expérience traumatisante avec un homme, expérience qu'elle est parvenue à dépasser.
Sa vision du couple et de l'évolution des relations amoureuses est peu conventionnelle, surtout pour l'époque :
"il me semble qu’on tombe amoureux parce qu’avec le temps on se lasse de soi-même et on veut entrer en un autre. Mais pas pour cette idée magnifique, mais trop fatale de la pomme de Platon, tu sais, non ?
— Oui, oui.
— On veut entrer en un « autre » inconnu pour le connaître, le faire sien, comme un livre, un paysage. Et puis, quand on l’a absorbé, qu’on s’est nourri de lui jusqu’à ce qu’il soit devenu une part de nous-mêmes, on recommence à s’ennuyer. Tu lirais toujours le même livre, toi ?"
Nous découvrons une femme à différents stades de sa vie, qui sait profiter du moment présent, bien que lucide sur le temps qui passe.
"Quiconque a connu l'aventure de doubler le cap des trente ans, sait combien il a été fatiguant, âpre et excitant d'escalader la montagne qui des pentes de l'enfance monte jusqu'à la cime de la jeunesse, et combien a été rapide, comme une chute d'eau, un vol géométrique d'ailes dans la lumière, quelques instants et... hier j'avais les joues fraiches des vingt ans, aujourd'hui - en une nuit? - les trois doigts du temps m'ont effleurée, préavis du petit espace qui reste et de la perspective finale qui attend inexorablement... Première, mensongère terreur des trente ans".
J'ai beaucoup aimé les relations de Modesta avec ses enfants (les siens et ceux qu'elle a recueillis). Sa façon d'éduquer, basée sur la confiance et l'ouverture d'esprit est avant-gardiste. Je mettrai toutefois un bémol sur certains "secrets". Elle ne dévoile pas aux enfants (comme l'identité de leur père, quand les naissances sont "hors cadre").
Si j'ai passé de beaux moments avec ce roman, je me dois d'être honnête en avouant que j'ai baillé plusieurs fois également. Certains dialogues, très longs, cassent selon moi la dynamique du récit. Je me demande par ailleurs si l'auteure n'aurait pas dû concevoir cette oeuvre en plusieurs tomes (comme Elena Ferrante dans "l'amie prodigieuse"). Cela aurait permis au lecteur de respirer un peu et aurait peut-être donné plus de rythme aux 850 pages.
Peut-être la version audio n'est-elle pas la plus adaptée pour ce type de roman ? Vingt-trois heures d'écoute, c'est un peu long, surtout quand la lecture n'est pas addictive. J'avoue par ailleurs avoir été un peu dérangée par l'interprétation des personnages masculins par la lectrice. C'est un exercice périlleux et je trouve pas que le résultat soit très heureux.
Il n'en reste pas moins que c'est un texte intéressant, écrit par une féministe avant l'heure. Goliarda Sapienza n'a pas réussi à faire publier "l'art de la joie" de son vivant. C'est injuste et bien triste pour elle.

Cette lecture me permet de participer au mois italien organisé par Martine

Estellecalim 11/06/2019 16:22
sylire 13/06/2019 20:32
Géraldine 22/05/2019 12:33
sylire 25/05/2019 23:41
gambadou 19/05/2019 21:07
sylire 25/05/2019 23:41
BlueGrey 16/05/2019 15:47
sylire 16/05/2019 19:54
Alex-Mot-à-Mots 16/05/2019 13:06
sylire 16/05/2019 19:53