"Je n'étais plus, me rendis-je compte, un être humain, et cela faisait probablement longtemps que je n'en étais plus un. J’étais devenu, au lieu de ça, un nouvel isotope d'humanité qui n'avait pas été isolé ou identifié. J’étais un électron libre, dont la masse, la charge et la direction pouvaient être modifiées à tout moment par des champs aléatoires sur lesquels je n'avais aucun contrôle. J’étais l'une de balles perdues de notre époque."
Nous sommes dans la fin des années 80 aux Etats-Unis. Saul Karoo, la cinquantaine bedonnante, est un scénariste spécialisé dans la réécriture de films pour les rendre plus "commerciaux".
Au début du roman, nous découvrons un homme souffrant d'un mal mystérieux : il n'arrive plus à atteindre l'ivresse bien qu'il soit un alcoolique notoire. Incapable d'affronter la réalité des choses, il feint d'être l'ivre, ne dérogeant pas à son habitude de manipuler autrui. Plus cynique et menteur que jamais, il semble toucher le fond. Bien que prétendant l'aimer, il se montre incapable de donner un peu de son temps à son fils adoptif, un adolescent. Peu fier de son métier, qui lui rapporte beaucoup d'argent mais ne lui donne aucune satisfaction par ailleurs, Saul s'est réfugié dans l'alcool, sabordant sa vie familiale.
Un évènement va faire basculer le cours de sa vie. En visionnant le énième film qu'il doit mettre à la sauce hollywood, Saul Karoo reconnaît, par son rire particulier, la mère biologique de son fils. Il l'a eue au téléphone il y a vingt ans. L'idée lui vient, complètement folle, d'utiliser le film à des fins personnelles, n'hésitant pas, au passage, à massacrer le chef-d'oeuvre qu'il a sous les yeux et pour lequel il a pourtant une grande admiration. Sur l'histoire, je n'en dirai pas plus pour ne pas gâcher l'effet de surprise. Personnellement, je n'ai rien vu venir, refusant sans doute, inconsciemment, tout comme Karoo d'imaginer l'inacceptable...
Ce roman est vraiment surprenant. Sorte de farce tragi-comique dans la première partie, l'histoire vire à la tragédie. Saul Karoo est un personnage atypique que je n'ai pas réussi à détester en dépit de ses horribles défauts. Pratiquant l'auto-dérision, parfaitement conscient de son cas, il semble incapable de maîtriser le cours de sa vie. La seule fois où il prend (enfin !) les choses en main, il fait n'importe quoi.
J'ai vraiment été captivée par le destin de Saul Karoo, déplorant toutefois quelques longueurs, (notamment quand Saul picole sans atteindre l'ivresse...). Autre bémol, le dernier chapitre, dont le n'ai pas aimé le lyrisme. En dépit de ces deux bémols, c'est un livre que je conseille, pour son originalité.
A noter que la voix du lecteur et ses intonations collent parfaitement au personnage.
Un roman étonnant, à tenter !
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Lu dans le cadre du Prix Audiolib( 4ème /10)Et de "Ecoutons un Livre" organisé par Valérie