Futuropolis 2012 - 163 pages
Cette BD est un récit de voyage assez particulier puisqu'il s'agit d'un séjour dans la région de Tchernobyl, où explosa, en 1986, le réacteur d'une centrale nucléaire. Nous assistons tout d'abord à la réflexion de l'auteur sur l'opportunité ou non de faire ce voyage, qui lui est proposé par une association. Son entourage ne l'encourage pas en raison des risques potentiels. Poussé par la curiosité et le souhait d'un acte militant, il se laisse tenter par l'aventure, qu'il partage avec d'autres artistes.
Sur place, le dessinateur rencontre diverses personnes dont un ancien "liquidateur", Vassia. Ce dernier lui raconte comment "les liquidateurs" ont nettoyé la centrale au péril de leur vie. Nous assistons à la viste du site, lugubre ville fantôme, qu'il leur faut traverser au plus vite car il est dangereux d'y rester trop longtemps. Les jours passent, Emmanuel Le Page s'imprègne des lieux, avec un certain malaise toutefois. Nous sommes au printemps, la nature est belle et la vie a repris ses droits. A t'il le droit de faire l'impasse sur cette beauté en se concentrant, comme il l'avait envisagé, sur la catastrophe et ses stigmates ? Il décide d'être honnête et dessine également les beaux paysages verdoyants qui s'offrent à ses yeux.
J'ai particulièrement aimé l'évocation des rencontres avec les habitants et les beaux portraits qui en ont découlé. Emmanuel Le page évoque également le retard économique des pays de l'Est, le chômage, l'alcoolisme. C'est donc une bande dessinée très riche, qui ne se borne pas à un récit de voyage. L'auteur partage avec nous une expérience personnelle très marquante. J'ai beaucoup aimé les dessins et leur variété. Comme je l'ai appris dans l'article très complet de Rue 89 (ici), il a utilisé plusieurs instruments : craie grasse, fusain, mine de plomb, pastel.
Un roman graphique vraiment très réussi !
Il me semble que c'est chez Antigone que je l'ai repéré la première fois.